mardi 7 juillet 2015

Sortie de route

Là, tout de suite, ma vie est plutôt merdique.

Ce serait le moment idéal pour me mettre à croire au Karma, à prendre en compte l'expression prétendant que la roue fini fatalement par tourner. Mais je m'étais battit une forteresse de cynisme et de rationalité, laissé à l'abandon pendant longtemps, et de laquelle je viens de retrouver les clés, échouées au fond d'un costume prenant la poussière.

Dans ses poches, j'ai aussi mis la main sur un paquet de cigarettes sans filtres, une flasque de vieux whisky et quelques capotes périmées, que je me suis empressé de remplacer, afin de retourner écumer une ville puante et poussiéreuse que j'avais jusque là délaissée.

Alors, nous y voilà. Cette route idyllique, menant vers je ne sais quel paradis perdu, s'est avérée finir sur des nids de poule et du bitume défoncé. Les panneaux qui garnissaient ses abord n'étaient visiblement que des publicités mensongère, ou bien des projets de construction gargantuesque que la crise n'a pas su épargner.

Oui. J'ai crevé un pneu. Défoncé mon pare-choc. Oublié ma roue de secours quelque part, plus en amont. Et finalement, la conductrice a sauté du véhicule, me laissant me débrouiller avec une voiture à pleine vitesse, aux freins en panne. Qu'importe, je ne savais même pas sur quelle pédale appuyer quand le panneau "route barrée" s'est présenté devant moi.

Alors, ça a été le choc. La voiture s'est rétracté, j'ai traversé le pare-brise et suis allé m'écraser dans la poussière, à une dizaine de mètres de là. J'y suis resté, longuement, les yeux humides, avec du sang au fond de l'estomac, vomissant un mélange de bile et d'hémoglobine.

« Ce sont des ulcères, monsieur. »

Sans blague. Et il m'a donné une liste d'indication. Pas d'alcool. Pas de tabac. Pas d'antalgiques.

Bien sur. Il croit que je vais me soigner avec un supo et une tisane.

La première chose que j'ai faites lorsqu'il a quitté ma chambre, c'est m’allumer une cigarette et dériver ma perfusion sur une bouteille de bourbon. J'ai au moins suivis un de ses conseils. Je préfère subir la douleur plutôt que de me gaver d'antalgiques. Peut être pour me rendre compte du moment où j'irais trop loin.

Puis, j'ai été rendu à la ville. À ses rues étroites, ses tanières lugubres sentant la sueur, ses néons grésillant sous la tension du désespoir. Ce vieux terrain de jeu que j'avais abandonné et que je retrouve à présent, avec rancœur. Et une pointe de nostalgie. Je pensais avoir laissé derrière moi ce jardin d'enfant minable, avec son lot de gaminerie, de perditions et de paradis artificiels, mais me voilà donc en train de pousser son portillon rouillé, frémissant au son du grincement délicieux de ses gonds.

Ils sont tous là...la balançoire des mauvaises cuites, le tourniquet des histoires sans lendemain, le bac à sable des décisions foireuses. Immobile, les mains dans les poches, je regardes une à une ces sources d'amusement futile, me demandant quel est la meilleure option pour reprendre sûrement la route de mon propre escapisme. Je suis bien vite tiré de ma rêverie par le couinement répétés du portillon, qui laissent passer, dans les deux sens de nombreux enfants. Lorsqu'ils sortent, ils rient, par deux, main dans la main. Et lorsqu'ils rentrent, les voilà seuls, les traits tirés. Dévastés parfois. Mélancolique, souvent.


Oh, je sais par où commencer ! Là bas ! La bascule de l'auto-flagellation !

Melpomène

La dramaturgie se doit d'être académique. Allégorique. Non.

Attendez. Alphabétique.

Épique.
Historique.
Iconique.
Magnétique.
Magnifique.
Monolithique.
Nécrologique.
Soporifique ?
Stylistique.
Syntaxique.

Bref, tragique.

Sauf que, hélas, il y a un hic.

Elle n'a pas à être millimétrée, inspirée d'épopée engoncés dans nos mythes et nos légendes. Elle peut se faire élégante en parlant des gens, de la plèbe, de l'individu au RSA dans son HLM qui ressasse son incessante solitude et se satisfait des cinquante centimes économisés à l'épicerie du coin. Elle peut nous parler de solitude, de décrépitude, des créatures d'un esprit éthylique. Elle peut être morbide et lubrique, elle peut être vulgaire en parlant de bite et de putain de vie foirées.

La tragédie est multiple, elle nous entoure, nous abreuve, nous ressemble, nous contemple. Elle peut être anecdotique, ancrée dans le réel de nos insignifiante déceptions, mais parfois puissante, grondante, dans une décharge glorieuse de toute nos passions. Et de nos pulsions.

Elle s'offre à nous, nous pouvons l’assaillir, la saillir, sans jamais la salir. Elle accueille nos soupirs, elle se fait le réceptacle de nos vaines palabres plates et mélancolique, pour ensuite les sublimer et donner au cafard les senteurs de l’héliotrope.

Ma mie, ma Muse, tu es la plus cruelle de mes amantes. Mais aussi la plus fidèle. C'est serré dans tes draps que je me déhanche, que je m'épanche, que je vous dérange.

Tu es celle aux milles visages, ceux de toute ces muses évanouies qui, par millions, ont laissé sur mes lèvres le parfum de leurs noms.
Tu es toutes celles qui firent chuter les empires, mirent à genoux des dynasties et qui parfois firent que des poètes désespérés s'absinthèrent à jamais de réécrire.

Tu as perdu l’Éden, tu as fais brûler Troie,
Et lorsque tu fus reine, tu fis pleurer les rois,
Mais qu'importe le feu, qu'importe donc le sang,
Au diable la candeur, et ces doux sentiments,
Accueillons en notre âme, tous tes pesants délices,
Teintés de souvenirs, avec leur froid silice.
Et d'un Alexandrin, qu'il soit seul ou bien cent,
Cassez alors le sens, cassez alors la rime,
Cassez donc le rythme,

Car, Melpomène, n'a pas besoin de son pampre et sa vigne mêlées, dans son macabre chant, pour manœuvrer entre toute mon œuvre de pénitent.

Terpsichore


Terré au cœur de la soie, ton corps s'agite doucement, sous mon œil satisfait et humide.

Sûrement, tes mains glissent sous les sens de ma fantaisie dans une sensuelle mise en scène qui s'écoule sans accrocs.

Tu danse, semblant sans espoirs ou pensées déplacés, simplement en effleurant une corde raide et sensible du violon dingue que tu fais gémir de tes doigts habiles.

Chaque geste est une symphonie de saveurs semée par le désir dans la parcelle luxuriante de mes fantasmes.

Tes mains se démènent, tes hanches me débranchent, tes lèvres me délivrent, avec ton corps pour décors.

Alors, je m’abandonne. Fais ce que tu souhaite de mon avenir, joue encore de ma vie, ce cœur s'emballe bien trop des discours de tes yeux.

Et tu continue à te déhancher, à te démener, me menant à la braguette de toute les extrémités de tes membres frêles et de ta peau laiteuse.

Ah, Terpsichore, encore ces pensées lubriques qui ne voient dans cette cavalcade aux airs de ballet que des échos érotiques. Jamais pornographique. Ta danse est légère, mes mœurs le sont aussi et jouissent de cette poésie litigieuse et libidineuse.

Laisse moi avec ma voix, avec mon organe, te faire l'amour avec passion. Pas comme l'on fait l'amour à une amante, mais comme on se délecte de donner du plaisir à une idée, en des orgasmes multiples de beauté exaltée.

Et enfanter avec une idée, n'est ce pas ainsi que l'on fait naître les révolutions ?

Alors, faites l'amour avec les mots, faites l'amour avec la langue, semez les graines de la rébellion !
Faites jouir les paraboles, hurlez donc sur les toits, laissez vous allez à l'extase, soyez les gigolos du langage !
Prenez la poésie dans votre lit nuptial, faites la gémir, laissez la se pâmer, se cambrer, sans jamais plier sous le poids des idées !
Donnez lui corps !
Donnez lui forme !
Donnez lui bouche !

Giflez là, si vous le pensez nécessaire !
Mais de grâce, ne la bâillonnez jamais.

Laissez la rougir, laissez la frémir, laissez la bouillir !

Si elle est couchée, chatouillez la d'une plume, si elle est dressée, faites sauter les barrières de la langue !
Laissez la prendre ses pieds, dans une finale apothé-prose, puis laissez la se blottir auprès de vous, pour que, entre quelques râles saccadés ,elle murmure sa mélodie à votre oreille,.

Une muse comblée est la plus belle des maîtresse.


[Ce texte a été réalisé pour le projet Uranometria, vernissage présentant dix guitares, liées aux 9 muses et à Athena.

Voici le lien vers leur facebook:
https://www.facebook.com/uranometriaproject?fref=ts ]

mardi 9 juin 2015

Cupidon

Pourquoi le symbole de l'amour a un putain d'arc ?

Déjà, c'est un chérubin. Un bambin sans sexe, avec des petites ailes dorées et duveteuses. C'est douteux, mais admettons.

Parmi tous les symboles allégoriques, on aurait pu lui donner un bâton, une trique, des jonquilles, une amphore, un bouquet de fleur, à la rigueur.

Mais un arc ? Par convention, que la passion soit dispensée dans nos pensées par un carreau qui nous pique en plein cœur, ça me laisse songeur.

Et puis une flèche, à l'impact, ça fait mal. Et quand on s'enlace, ça s'enfonce. Et on se dit que si on se lasse, ça s'enlève. Mais si on le fait, on en souffre, alors on la laisse, même si ça nous oppresse. Alors, pour ne pas être lacéré par son extraction, on élague, on enlève ce qui dépasse. Et on se qui que comme ça, ça passe.

Mais non, ça passe pas, putain.

L'arc, c'est un truc létal, les talents pour en faire bon usage, c'est des années de pratique, pas les aléas de contacts furtifs et répétés.

Vous savez d'où c'est tiré cette lubie de pointe argentée ?

De la libido des escargots.

Les gastéropodes, c'est quand même aux antipodes de la sensualité.

Parenthèse sur les espèces : ça vient du dard d'amour, l'un des atours hormonaux des escargots. Dans de coquines copulation, ils immiscent cet appendice avec délice dans leur compagnon de reproduction. Ils le lancent à distance dans leur bien aimé pour stimuler sa fécondité.

Oui, oui, comme une flèche.

Vous voyez le rapport avec les rapports des gastéropodes ?

Donc voilà, Cupidon pense qu'on est des putains d'escargots. Notre symbole de la passion est inspiré de la sexualité d'une bestiole qui bave et qui rampe.

Non, vraiment. C'est navrant.

Je me dis pas qu'il ne m'arrive pas de baver devant une belle femme ou de ramper à ses pieds, mais quand même, je ne me démène pas à porter sur mon dos le studio où je compte l'emmener. Et franchement, ma fécondité, je cherche surtout l'éviter.

Mais d'accord, avoir dans son corps un projectile qui permet nos idylles, c'est pas complètement con. Enfin, concrètement, il faudrait se concentrer sur le moment où ça tombe sous le sens, et où du coup ça leur fait mal.

En réalité, je me permet de vous affirmer que ce qui me plaît dans cette idée, c'est que cette flèche trouve sa justification quand on tire un trait sur nos relations. Quand on nous l'arrache, que ce soit avec maladresse ou avec panache.


Cupidon n'est donc pas l'ange cabotin de l'amour. Il est surtout le diablotin de la rupture. Comme pour sa flèche, il espère juste qu'on finira par se planter.

Alors, gamin, prend tes flèches, tes cliques et ton arc, arrête de tirer sur la corde et va te faire tendre ailleurs.

samedi 6 juin 2015

Purgatoire

Explosion.

Je n'attend que ça.

Je suis debout, les bras ballant, au milieu de cette foule dont j'espère l'hostilité. Ils passent à coté de moi, sans vraiment s'en rendre compte. Je cherche des regards connus, des œillades méfiantes, j’attends que l'un d'eux me crache au visage.

En vain. Je ne suis qu'un badaud, anonyme dans ce vide bondé, une face lisse et insipide se mêlant aux autres.

Le sang bat contre mes tympans, coule le long de mes doigts endoloris. Je ne suis qu'un être de plus perdu au milieu de l’indifférence et de l'ignorance de cette masse grouillante.

Je porte mes mains à mon visage, griffant lentement le masque qui dissimule la crasse, la douleur, la folie, la haine. Rien. Il est fait de chair. Il repose élastiquement sur mon crane, palpitant doucement au rythme des battements erratiques de mon cœur maladif.

Alors, j'avance avec lenteur au sein de cet océan d'organismes médiocres et méprisables qui sentent la sueur, la fumée, la fatigue, l'usine, les déo bon-marchés de qualité discutable.
Ces gens qui sentent la vie, en bref.

Cette humanité.

Et, je m'en éloigne avec colère et agacement, m'adossant quelques instant à un tuteur de fortune, m'encrassant les poumons de goudron et de solitude. Tandis qu'ils sont là, à une distance raisonnable, je me permet de les juger plus en détail.

Ils rient. Ils pleurent. Ils se souviennent. Ils s'aiment. Ils espèrent. Ils se trompent. Ils regrettent. Ils pardonnent.

Ils sont si...ils sont si...

Je...je les envie parfois. J'en suis jaloux. Parce que je ne pense plus que par le péché, que par la corruption. J’attends qu'ils viennent respirer les fumées néfastes que j'expulse avec froideur, je ne fais qu’espérer qu'ils viennent chuter en contrebas, me faisant ainsi un confortable matelas de cartilages et de muscles flasques qui mettrait un terme à ma propre descente.
Je m'y vautrerai avec plaisir, avec gourmandise, avec la satisfaction délicieuse de les avoir menés jusque là.

De temps à autre, je m'amuse d'une âme en peine, je la traque, le l'attrape, je la traîne, je la traite comme une petite chose qu'il me faut modeler à ma propre image. Froide. Cynique. Critique. Caustique. Et Cætera.

Parfois, j'aimerai croire en une autorité suprême. Enfin, je veux dire, autre que moi même. Ainsi, j'aurais l'impression d'être un VRP quelconque pour une puissance supérieure et néfaste. Lucifer, Seth, Saïtan, Nyarlathothep, Méphistophélès, Monsanto, Azazel. J'aurai un plan de retraire parfait après le trépas.

Cela donnerait un sens, cela donnerait un but, pas simplement une page ou deux dans un livre de psychiatrie.

Regardez moi donc, face à vous. Ai-je l'air bien différent de telle ou telle personne que vous connaissez, que vous côtoyez, que vous adulez ou que vous méprisez, que vous aimez ou que vous haïssez. Ne sont ils pas si ridiculement normaux, humains, enfermés dans leur cage osseuse et dans leur pensée sûrement forgée par des siècles de morale, de religion, de Droit, de mode de vie et de guide de conduite.

À vous aussi, ne vous-a-t-on pas dit que l'on devait ressentir, que l'on devait avoir des émotions ? Qu'un enfant était beau, que le mensonge était odieux, que l'Amour était le plus doux des présents, que la vengeance était un leurre ?

Croyez moi, vous vous vous égarez dans vos certitudes mainte fois répétées par vos pairs, par vos parents, par vos proches, qui prétendent savoir ce que vous pouvez faire, ou non, de votre vaine existence.

Rejoignez moi donc, venez donc goûter à mes errances, venez enlacer vos propre désillusions pour mieux les plaquer au sol et les rouer de coups dans une joyeuse furie auto-destructrice. Soyez en sur, je ne serai pas avare des conseils toxiques qui vous mèneraient sur les sentiers de la perdition.

Avec un peu de chance et, plus improbable, de présence d'esprit, vous en viendrez à suffisamment me haïr pour avoir la force de me détruire. Une fois que toute vos digues morales auront explosées sous le flot grondant de l'indécence et de la démence vous pourrez mettre à bas ce colosse orgueilleux, psychotique et mégalomane qui me sert de figure publique.

Non. Non.

Ne gratte pas plus loin. Non. J'ai déjà essayé, il n'y a rien à trouver derrière. Il n'y a que des paysages arides et décharnés, parcourus pas des hyènes hurlants et affamés. Marcher jusqu'à ses frontières est trop fatiguant, mon acédie est catégorique.

Non. Arrête. Je te l'interdis.

Je cherche ma destruction, pas ma rédemption. N'essaye pas de me prétendre meilleur, moi qui ne cherche qu'à t'attirer dans des filets d'échardes et de barbelés. Je t'y veux nue et docile. Je ne veux pas de ta compassion. Je ne te veux que comme un outil de ma luxure et de ma concupiscence.

Éloigne ces mains de mon visage, ne cherche pas à effleurer mon âme. Cesse de susurrer ces douces paroles à mon oreille. Je ne les mérite pas. Je ne te...

Ne m’entraîne pas au milieu de cette foule. Ils sont trop communs. Ils sont trop vulnérables. Ils sont trop stupides. Ils sont trop heureux.

Vois, petite idiote, je commence à sourire. Je commence à rire.

Je commence à aimer. Et tu crois qu'ensuite tu va me détruire en me faisant pleurer ?

Arrête. Non. Continue.

Continue donc à me traîner dans cette délicieuse insouciance que j'ai systématiquement évité. Arrache donc couche après couche, membrane après membrane, met à nu ce qui, à ton sens doit l'être. Trouve donc une faille, va y.

Tu m'extrais de ma solitude sordide, celle où je désirai demeurer. Je vais te haïr secrètement pour cela. Et lorsque je serais assommé, hébété, par tant de douceur et de bons sentiment peut-être, je dis bien peut-être, peut-être que je me laisserait aller à quelques émotions que je supposerait de circonstance, à quelques sentiments factices et bien ficelés.

Et tu prétendra que tout cela est bien réel. Tu prétendra que, finalement, je m'était fourvoyé. Que, finalement, il est facile pour moi de m'abandonner à quelques pensées mièvres et entêtantes.


Alors, j'aurais des projets, de peindrais de cyclopéen dégradés de rose sur fond rose, non pas avec cynisme, mais avec bienveillance, je t'écrirai des lettres sur un papier doucement parfumé, qui te parlerons d'idylle, de rêve et de saine contemplation. Je te ferais un trône de tendresse, de caresse et lascivité.

Et lorsque tu m'abandonnera, aux portes de cette battisse en flamme, que j'aurai nommé "notre histoire", je finirai par lui tourner le dos pour rejoindre à pas hésitant mes rejetons ectoplasmiques qui aurons bien trop appris en mon absence.

Voilà. Ils me détruisent. Ils me dévorent. Tu m'as fais tout perdre. Surtout mon ambition qu'ils me terrassent.

mercredi 3 juin 2015

Folie

Je parcours inlassablement les faubourgs de la folie. Pas que la mienne. Y a celle des autres.

Les autres dont je me fais le réceptacle des errances. Ne le croyez pas pour autant respectable. Je m'abreuve goulûment de leurs petites déviances, de leurs vices déplacés et de leurs fautes répétées. Je m'abandonne dans ces failles béantes, longuement creusées par une pelleté de décisions maladroite et inopportunes.

Impassible tandis qu'ils se répandent, j’accueille la pluie de shrapnel qui bondit à mon visage, écorchant avec douceur mon âme burinée. Le sang qui dégouline sur ma chair vibrante y sèche prestement, figé par ma morgue et mon indifférence. Je lape avec délectation les rares perles qui se sont égarés au coin de mes lèvres, y gouttant le délice de ces révélations.

Je m'efforce alors de prodiguer conseils et avis, que je sais éclairés, tandis que je jouis cruellement de ma lucidité. J’assomme de mépris ces esprits écorchés, qui viennent encore et encore et encore subir mes sermons acides.

Alors, je prétend les connaître, avec une divinité joueuse et orgueilleuse. Je les vois comme des pions, mouvant sur un plateau fantasmé dont j'aime à me croire le compétiteur acharné. Ma prétendue objectivité sert de masque affreux au jeu dont je me délecte.

Et je m'amuse de faire l'index des errances psychologiques de chacun.

Alors, Monsieur, que pensez vous de mes propre dérangements ? Suis-je cet infâme mégalomane ou une déité ignorée ?
Allez y, jugez moi, je dois vous entendre hurler que je suis une vermine perfide et vicieuse, charognard mesquin du désespoir.

Je suis là, devant vous, bras écartés, l'âme nue et l'esprit soumis. J’attends votre délivrante lapidation.


Je ne veux pas de votre mépris. Je n'espère que votre haine.

Foule

Laisse moi, jeune fille, m'égarer auprès de toi, dans une fièvre torride, fumante d'insouciance et de désir.

Nous sommes deux gosses égarés dont la main a été lâchée dans une foule assommante et grouillante.

Nous voilà seuls, coupés de nos dépendances et de nos futurs entrevus. Là où nos passions tentent de nous extirper de notre réalité, notre raison succombe et se laisse couler. Nous espérons tous deux que le temps accomplisse sûrement son ouvrage, qu'il nous délivrera de cette douloureuse attente, de ce silence pesant d’où l'on attend qu'une voix familière émerge :

« Va, reviens auprès de moi. »

Mais est ce bien l'heure de saisir cette main tendue pour poursuivre cette balade qui nous avait épuisée ? Doit-on dés lors reprendre sa route, alors qu'il y a quelques instants, nous étions fatigués ?

Je te souhaite de t’évader de la foule, de saisir cette transe qui t'es donnée.

Je te regarderai, t'évader de al foule, avec regret mais avec bienveillance.

Je resterai là, seul, debout au milieu de la foule, à t'envier et à espérer.

Mais tandis que nous sommes ici, face à face, au milieu de la foule, viens, tend donc les bras pour quelques pas de valse. Gouttons à chaque temps, jouissons à chaque pas de ces mesures d'abandon et de volupté.


Et lorsque l'orchestre s’arrêtera, je te regarderai t'éloigner, le sourire aux lèvres, tandis que tu t’évaderas de la foule.

Et le rythme de tes pas meublera mon silence.

Jusqu'à ce qu'à ce que, à mon tour, je m'évade de la foule.

samedi 30 mai 2015

Sens

L'esprit est un petit polisson qui respire des madeleines de Proust à chaque occasion.

Alors que l'on espère qu'il nous laissera en paix, il nous propose perpétuellement de laisser voguer nos pensées vers quelques paradis perdus.

Une odeur qui évoque une douloureuse dystopie devenue réalité. Elle renvoie à un passé depuis longtemps révolu, rappelant, mesquine, tout ce qui fut égaré le long du chemin. Cette odeur était la sienne, celle de ce lieu à Vienne, de ce soir en bord de Seine. Elle assaille nos narines, d'une douceur aux relent d'aigreur. Elle nous fait un putain de pied de nez, nous laissant hébété, rêveur.

Une saveur déployée sur notre palais nous rappelle nos châteaux en Espagne, l'espoir ayant laissé un arrière goût aigre au fond de notre gorge et des relents acides chargés de bile et de mauvais alcool. Il nous évoque le goût salé d'une peau musquée, d'un moment depuis écorché, d'une larme qui s'était égarée. Et sur le bout de notre langue, ardente de mille épices, on s’étonne d'aimer ce qu'il reste de délice au milieu des cendres.

Que l'on entende une familière mélopée ou un vacarme désordonné, les cyniques spectres des souvenirs dissolus nous susurrent une symphonie de sensations dont on se surprend à savourer la si simple sensualité. Mais, sûrement, cette douceur s'estompe, laissant pas à pas pointer un pesant pataquès qui pénètre aux tréfonds de notre hypothalamus. Ces pensées s'y reproduisent prestement et, pesantes, elles découpent des parts de notre espérance, crachotant de curieuses cacophonies colorées par la crasse et le regret.

Et lorsque les regards se croisent, et que l'on y lit les reflets d'un éclat classé X, on ne peut s’empêcher de songer à ce qu'ont voulu montrer ces iris, et à ce qui agite ces pupilles dilatées par la haine ou le désir. On s'y perd, on s'y contemple, on prend goût au reflet renvoyé par ce miroir organique. On s'y noie, on s'y enfonce. La larme à l’œil. Et lorsque on cherche à en sortir, on s'y égare plus profondément tandis que nos paupières se ferment pour rapidement s'ouvrir de nouveau, et c'est une épaisse fumée qui irrite nos globes oculaires.

Puis, nos mains crispées glissent sur cette chair granuleuse, légèrement suintante, un peu moite, et l'on sent doucement l'extase jaillir du bout de nos doigts qui battent la cadence tandis que l'on effleure les sentiers du désir avec détermination et délectation, que l'on touche enfin un point gémissant d'attente, ce sont nos perpétuelles lamentations qui viennent nous gifler à la gueule et nous repoussent loin de cet Éden passager. Alors on repense, on repasse, on se lasse, et en l'absence d'indulgence de nos sens, on tente d'effacer l'expression crispée qui lézarde notre faciès.

Tu t'en es rendu compte.
Et tu t'en agace.
Et tu me repousse.

Oui.

Pendant que je t'enlace, pendant que je t'embrasse, pendant que je te baise, ce n'est pas toi qui t'abandonne auprès de moi.


Ce sont mes amoures entêtantes, triomphantes. Et perdues.

mercredi 27 mai 2015

Morphée

Je dors peu. Et quand le sommeil accepte enfin ma présence invasive, il m'arrive de rêver. Parfois. Rarement.

Mon éther n'est pas à l'image de ce que j'aime afficher de ma vie. Il n'est que rarement lugubre, il n'est pas crissant, il ne sent pas la pisse froide et les sexes moites.

J'y vois une routine étrangement plaisante, une tranquillité détonante titillant mon échine. Je cherche en vain à ouvrir une lucarne vers une plaisante noirceur, à abattre ces murs de carton-pâte qui ne peuvent être que les décors d'une farce ironique.

En vain.

Il n'y a là que délices, il n'y a pas de douloureuses feuilles mortes, mais justes des citadelles toujours éclatantes, à la pierre lisse et brillante, propre de toutes les lézardes et les craquelures qui à l'accoutumé nourrissent ma morne décrépitude.

Mes fantômes n'y sont pas des vestiges ectoplasmiques. Ils sont là, dressés fièrement, fait de chair et de sang, et je viens tendrement me blottir au creux de leur voix, comme un mioche apaisé ayant trouvé un corps où s’amarrer.

Je me demande d'où me viens ce surprenant Eden dormant dans les trefond de mon crane. Est-il éthylique ? Ai-je bien trop bu, pour m'enfoncer dans ce rêve éveillé, tandis que je bave pitoyablement dans quelque ruelle obscure ?

Non, il est là, bien présent dans mon esprit. Et tu es ici. Riant, souriant, dansant, m’entraînant dans un entêtant mélodrame en devenir. Je bois avec délectation chaque perle d’allégresse, moi dont la gorge est sèche.


Mais voilà que grondante, la réalité m’appelle, me reprochant mes égarement répétés. Elle tire douloureusement sur mon oreille, comme on le fait à un enfant qui n'a pas été sage.

Je te regarde, tandis que nos mains glissent loin l'une de l'autre, devant la porte d'un immeuble dont à chaque seconde les murs se fissurent.

Et tandis que tes yeux se ferment et que les miens peinent à s'ouvrir, je te glisse ces derniers mots...

« Tu monte prendre un dernier rêve ? »

vendredi 22 mai 2015

Béton

Immobile sous la pluie battante, je contemple l'horizon embrumé, songeant silencieusement à ce qui se dissimule au delà. La ville dans mon dos et cette vie derrière moi, je repense à cette longue chevauchée, pleine d'incertitudes et parsemée d'espoir.

J'y ai ris, j'y ai jouis, j'y ai pleuré, je t'y ai maudis, d'une voix grave déclamant maladroitement des reproches insipides.

La cité essaye de me happer, de ses appels entêtants, de ses bras accueillant. De sa voix métallique et rongée par la fumée, elle me demande froidement de revenir dans sa couche.

Non.

Elle me l'ordonne.

Elle tente de jouer de ses charmes, me soufflant à la gueule les vapeurs de sa cigarette de béton. Je ferme les yeux quelques instant, respirant cette chaleur crasse et enivrante.

Elle m'appelle.

Elle me veut.

Elle attend que encore une fois je la rejoigne, que je la rejoigne sur sa paillasse froide pour des étreintes monotones mais enivrantes.

Mais non, je la repousse, je ne veux plus d'elle, ma passion s'en est allée et je laisse ces souvenirs sereinement glisser entre mes doigts.


Je remonte le col de mon manteau, me rallume une cigarette et m'enfonce dans l'épais brouillard, loin des échos et des lumières de la ville.

mercredi 20 mai 2015

Placebo

J'ai toujours cru que l'indifférence était le silence, une indicible souffrance.
Non. C'est un son assourdissant surinant sûrement mon tympan.
Voilà donc ce sifflement constant, qui s'oublie parfois quelques instant, pour revenir dans une charge écrasante à chaque intervalle ouvert par ma raison.

Je m'efforce fiévreusement de l'effacer, faisant cesser ses appels par quelques placebo temporaires, trouvant leurs origines dans les vestiges d'un passé dissolu, aux fantasmes inassouvis et à l’épiderme suintant.

J'ai pris une bouteille de whisky médiocre, pour en inonder mes plaies masochistes, et les lécher avec délectation, préférant me plaindre et me complaire dans une décrépitude que j'abreuve moi-même d’éthanol et de fluides corporels.

Et tu t'en offusque ?

Il n'y a pas de pensées outrageantes, juste des esprits sensibles. Tu me juge bien trop incisif, vulgaire, lubrique ? Parce que je parle de haine, de baise et de jouissance ?
Tu préfère que je me complaise dans une hypocrisie optimiste, où je te dirai des litanies inspirés sentant le bonheur et la satisfaction ?

Regarde, je pisse sur tes niaises attentes, je crache sur le portait que tes espérances ont fait de moi.

Tu veux que je m'assagisse, que j'espère, que j'exprime ma satisfaction de chaque miette d'allégresse lancé, craché à ma gueule ?

Donne moi juste ce que mon égoïsme attend de toi. Je ne vais pas te laisser espérer juguler mes concupiscente espérance, elle sont les seules que j'accepte. Accueille juste mes lèvres avides en guise de bâillon de fortune. Si tu ne veux me comprendre, laisse moi juste te prendre au mot lorsque tu me dis de jouir de ces petites choses.


Tu me hais ? Bien. Ma folie ne prend son corps que dans la frustration.

Un texte gribouillé sur un carnet

(Un petit essais à chaud d'écrire de la poésie. Texte pas retravaillé après coup. Toujours de l'alexandrin, parceque je m'obstine à faire des tests.)



Insolente, indolante, tu sussure lancinante,
Je quémande un regard, dans une fièvreuse attente,
Attablé et hagard, les pensées embrumées,
Et la rime hésitante, d'une plume émoussée.

Le verbe assoupi, et les pieds trébuchant,
Sur un style engourdit, aux propos haletants,
J'attend encore la jouissance, un soupçon de passion,
Pas juste ce souffle rance, et son gout de poison.

Ce charnier de regrets, à la terre stérile,
en jachère oubliée, stagnante, inutile,
Je suis las d'y chercher, une pousse obstinée,
Et l'extase espérée, sous des doigts inspirés.

dimanche 17 mai 2015

Page Blanche

J'ai essayé en vain de laisser couler des larmes sur un carnet, espérant qu'en séchant elles se transformeraient en des phrases qui font sens. Mais je n'ai que des mots vides, des formulations creuses, une lourde et terrifiante redondance traînante et transpirante.

Alors c'est donc cela ? Plus un mot, plus un regard, plus une crissante mélodie dictant ses pensées lubriques, funestes et avinées ?

Que vais-je donc faire de toi, amante épisodique, si tes mains ne guident plus les miennes, si ton souffle ne me fais plus frémir, si je ne perds plus dans des bras ou contre ton sein tandis que tu me susurre avec mélancolie tout ce que tu m'as promis et que tu m'as patiemment regardé perdre, un rictus au coin de tes lèvres cruelles ?

Que me demande tu donc ? Que je m'abandonne à d'autres tandis que je t'attend, que les jours passent et que ton absence fait doucement son œuvre ? Que je t'oublie, que je te renie ? Que je n'espère plus panser mes coups auprès de toi, que les pensées que je t'adresse s'effacent lentement, inexorablement.


Écoute donc ce cri de passion que je te lance, viens me rejoindre dans mes nuit de solitude ou de perdition, de contemplation ou de débauche. Reviens te blottir au creux de mes draps. Fais moi goutter de nouveau la saveur de l'extase.

Ton nom ne veut franchir le bord de mes lèvres.

Inspiration.