samedi 30 mai 2015

Sens

L'esprit est un petit polisson qui respire des madeleines de Proust à chaque occasion.

Alors que l'on espère qu'il nous laissera en paix, il nous propose perpétuellement de laisser voguer nos pensées vers quelques paradis perdus.

Une odeur qui évoque une douloureuse dystopie devenue réalité. Elle renvoie à un passé depuis longtemps révolu, rappelant, mesquine, tout ce qui fut égaré le long du chemin. Cette odeur était la sienne, celle de ce lieu à Vienne, de ce soir en bord de Seine. Elle assaille nos narines, d'une douceur aux relent d'aigreur. Elle nous fait un putain de pied de nez, nous laissant hébété, rêveur.

Une saveur déployée sur notre palais nous rappelle nos châteaux en Espagne, l'espoir ayant laissé un arrière goût aigre au fond de notre gorge et des relents acides chargés de bile et de mauvais alcool. Il nous évoque le goût salé d'une peau musquée, d'un moment depuis écorché, d'une larme qui s'était égarée. Et sur le bout de notre langue, ardente de mille épices, on s’étonne d'aimer ce qu'il reste de délice au milieu des cendres.

Que l'on entende une familière mélopée ou un vacarme désordonné, les cyniques spectres des souvenirs dissolus nous susurrent une symphonie de sensations dont on se surprend à savourer la si simple sensualité. Mais, sûrement, cette douceur s'estompe, laissant pas à pas pointer un pesant pataquès qui pénètre aux tréfonds de notre hypothalamus. Ces pensées s'y reproduisent prestement et, pesantes, elles découpent des parts de notre espérance, crachotant de curieuses cacophonies colorées par la crasse et le regret.

Et lorsque les regards se croisent, et que l'on y lit les reflets d'un éclat classé X, on ne peut s’empêcher de songer à ce qu'ont voulu montrer ces iris, et à ce qui agite ces pupilles dilatées par la haine ou le désir. On s'y perd, on s'y contemple, on prend goût au reflet renvoyé par ce miroir organique. On s'y noie, on s'y enfonce. La larme à l’œil. Et lorsque on cherche à en sortir, on s'y égare plus profondément tandis que nos paupières se ferment pour rapidement s'ouvrir de nouveau, et c'est une épaisse fumée qui irrite nos globes oculaires.

Puis, nos mains crispées glissent sur cette chair granuleuse, légèrement suintante, un peu moite, et l'on sent doucement l'extase jaillir du bout de nos doigts qui battent la cadence tandis que l'on effleure les sentiers du désir avec détermination et délectation, que l'on touche enfin un point gémissant d'attente, ce sont nos perpétuelles lamentations qui viennent nous gifler à la gueule et nous repoussent loin de cet Éden passager. Alors on repense, on repasse, on se lasse, et en l'absence d'indulgence de nos sens, on tente d'effacer l'expression crispée qui lézarde notre faciès.

Tu t'en es rendu compte.
Et tu t'en agace.
Et tu me repousse.

Oui.

Pendant que je t'enlace, pendant que je t'embrasse, pendant que je te baise, ce n'est pas toi qui t'abandonne auprès de moi.


Ce sont mes amoures entêtantes, triomphantes. Et perdues.

mercredi 27 mai 2015

Morphée

Je dors peu. Et quand le sommeil accepte enfin ma présence invasive, il m'arrive de rêver. Parfois. Rarement.

Mon éther n'est pas à l'image de ce que j'aime afficher de ma vie. Il n'est que rarement lugubre, il n'est pas crissant, il ne sent pas la pisse froide et les sexes moites.

J'y vois une routine étrangement plaisante, une tranquillité détonante titillant mon échine. Je cherche en vain à ouvrir une lucarne vers une plaisante noirceur, à abattre ces murs de carton-pâte qui ne peuvent être que les décors d'une farce ironique.

En vain.

Il n'y a là que délices, il n'y a pas de douloureuses feuilles mortes, mais justes des citadelles toujours éclatantes, à la pierre lisse et brillante, propre de toutes les lézardes et les craquelures qui à l'accoutumé nourrissent ma morne décrépitude.

Mes fantômes n'y sont pas des vestiges ectoplasmiques. Ils sont là, dressés fièrement, fait de chair et de sang, et je viens tendrement me blottir au creux de leur voix, comme un mioche apaisé ayant trouvé un corps où s’amarrer.

Je me demande d'où me viens ce surprenant Eden dormant dans les trefond de mon crane. Est-il éthylique ? Ai-je bien trop bu, pour m'enfoncer dans ce rêve éveillé, tandis que je bave pitoyablement dans quelque ruelle obscure ?

Non, il est là, bien présent dans mon esprit. Et tu es ici. Riant, souriant, dansant, m’entraînant dans un entêtant mélodrame en devenir. Je bois avec délectation chaque perle d’allégresse, moi dont la gorge est sèche.


Mais voilà que grondante, la réalité m’appelle, me reprochant mes égarement répétés. Elle tire douloureusement sur mon oreille, comme on le fait à un enfant qui n'a pas été sage.

Je te regarde, tandis que nos mains glissent loin l'une de l'autre, devant la porte d'un immeuble dont à chaque seconde les murs se fissurent.

Et tandis que tes yeux se ferment et que les miens peinent à s'ouvrir, je te glisse ces derniers mots...

« Tu monte prendre un dernier rêve ? »

vendredi 22 mai 2015

Béton

Immobile sous la pluie battante, je contemple l'horizon embrumé, songeant silencieusement à ce qui se dissimule au delà. La ville dans mon dos et cette vie derrière moi, je repense à cette longue chevauchée, pleine d'incertitudes et parsemée d'espoir.

J'y ai ris, j'y ai jouis, j'y ai pleuré, je t'y ai maudis, d'une voix grave déclamant maladroitement des reproches insipides.

La cité essaye de me happer, de ses appels entêtants, de ses bras accueillant. De sa voix métallique et rongée par la fumée, elle me demande froidement de revenir dans sa couche.

Non.

Elle me l'ordonne.

Elle tente de jouer de ses charmes, me soufflant à la gueule les vapeurs de sa cigarette de béton. Je ferme les yeux quelques instant, respirant cette chaleur crasse et enivrante.

Elle m'appelle.

Elle me veut.

Elle attend que encore une fois je la rejoigne, que je la rejoigne sur sa paillasse froide pour des étreintes monotones mais enivrantes.

Mais non, je la repousse, je ne veux plus d'elle, ma passion s'en est allée et je laisse ces souvenirs sereinement glisser entre mes doigts.


Je remonte le col de mon manteau, me rallume une cigarette et m'enfonce dans l'épais brouillard, loin des échos et des lumières de la ville.

mercredi 20 mai 2015

Placebo

J'ai toujours cru que l'indifférence était le silence, une indicible souffrance.
Non. C'est un son assourdissant surinant sûrement mon tympan.
Voilà donc ce sifflement constant, qui s'oublie parfois quelques instant, pour revenir dans une charge écrasante à chaque intervalle ouvert par ma raison.

Je m'efforce fiévreusement de l'effacer, faisant cesser ses appels par quelques placebo temporaires, trouvant leurs origines dans les vestiges d'un passé dissolu, aux fantasmes inassouvis et à l’épiderme suintant.

J'ai pris une bouteille de whisky médiocre, pour en inonder mes plaies masochistes, et les lécher avec délectation, préférant me plaindre et me complaire dans une décrépitude que j'abreuve moi-même d’éthanol et de fluides corporels.

Et tu t'en offusque ?

Il n'y a pas de pensées outrageantes, juste des esprits sensibles. Tu me juge bien trop incisif, vulgaire, lubrique ? Parce que je parle de haine, de baise et de jouissance ?
Tu préfère que je me complaise dans une hypocrisie optimiste, où je te dirai des litanies inspirés sentant le bonheur et la satisfaction ?

Regarde, je pisse sur tes niaises attentes, je crache sur le portait que tes espérances ont fait de moi.

Tu veux que je m'assagisse, que j'espère, que j'exprime ma satisfaction de chaque miette d'allégresse lancé, craché à ma gueule ?

Donne moi juste ce que mon égoïsme attend de toi. Je ne vais pas te laisser espérer juguler mes concupiscente espérance, elle sont les seules que j'accepte. Accueille juste mes lèvres avides en guise de bâillon de fortune. Si tu ne veux me comprendre, laisse moi juste te prendre au mot lorsque tu me dis de jouir de ces petites choses.


Tu me hais ? Bien. Ma folie ne prend son corps que dans la frustration.

Un texte gribouillé sur un carnet

(Un petit essais à chaud d'écrire de la poésie. Texte pas retravaillé après coup. Toujours de l'alexandrin, parceque je m'obstine à faire des tests.)



Insolente, indolante, tu sussure lancinante,
Je quémande un regard, dans une fièvreuse attente,
Attablé et hagard, les pensées embrumées,
Et la rime hésitante, d'une plume émoussée.

Le verbe assoupi, et les pieds trébuchant,
Sur un style engourdit, aux propos haletants,
J'attend encore la jouissance, un soupçon de passion,
Pas juste ce souffle rance, et son gout de poison.

Ce charnier de regrets, à la terre stérile,
en jachère oubliée, stagnante, inutile,
Je suis las d'y chercher, une pousse obstinée,
Et l'extase espérée, sous des doigts inspirés.

dimanche 17 mai 2015

Page Blanche

J'ai essayé en vain de laisser couler des larmes sur un carnet, espérant qu'en séchant elles se transformeraient en des phrases qui font sens. Mais je n'ai que des mots vides, des formulations creuses, une lourde et terrifiante redondance traînante et transpirante.

Alors c'est donc cela ? Plus un mot, plus un regard, plus une crissante mélodie dictant ses pensées lubriques, funestes et avinées ?

Que vais-je donc faire de toi, amante épisodique, si tes mains ne guident plus les miennes, si ton souffle ne me fais plus frémir, si je ne perds plus dans des bras ou contre ton sein tandis que tu me susurre avec mélancolie tout ce que tu m'as promis et que tu m'as patiemment regardé perdre, un rictus au coin de tes lèvres cruelles ?

Que me demande tu donc ? Que je m'abandonne à d'autres tandis que je t'attend, que les jours passent et que ton absence fait doucement son œuvre ? Que je t'oublie, que je te renie ? Que je n'espère plus panser mes coups auprès de toi, que les pensées que je t'adresse s'effacent lentement, inexorablement.


Écoute donc ce cri de passion que je te lance, viens me rejoindre dans mes nuit de solitude ou de perdition, de contemplation ou de débauche. Reviens te blottir au creux de mes draps. Fais moi goutter de nouveau la saveur de l'extase.

Ton nom ne veut franchir le bord de mes lèvres.

Inspiration.