mardi 7 juillet 2015

Sortie de route

Là, tout de suite, ma vie est plutôt merdique.

Ce serait le moment idéal pour me mettre à croire au Karma, à prendre en compte l'expression prétendant que la roue fini fatalement par tourner. Mais je m'étais battit une forteresse de cynisme et de rationalité, laissé à l'abandon pendant longtemps, et de laquelle je viens de retrouver les clés, échouées au fond d'un costume prenant la poussière.

Dans ses poches, j'ai aussi mis la main sur un paquet de cigarettes sans filtres, une flasque de vieux whisky et quelques capotes périmées, que je me suis empressé de remplacer, afin de retourner écumer une ville puante et poussiéreuse que j'avais jusque là délaissée.

Alors, nous y voilà. Cette route idyllique, menant vers je ne sais quel paradis perdu, s'est avérée finir sur des nids de poule et du bitume défoncé. Les panneaux qui garnissaient ses abord n'étaient visiblement que des publicités mensongère, ou bien des projets de construction gargantuesque que la crise n'a pas su épargner.

Oui. J'ai crevé un pneu. Défoncé mon pare-choc. Oublié ma roue de secours quelque part, plus en amont. Et finalement, la conductrice a sauté du véhicule, me laissant me débrouiller avec une voiture à pleine vitesse, aux freins en panne. Qu'importe, je ne savais même pas sur quelle pédale appuyer quand le panneau "route barrée" s'est présenté devant moi.

Alors, ça a été le choc. La voiture s'est rétracté, j'ai traversé le pare-brise et suis allé m'écraser dans la poussière, à une dizaine de mètres de là. J'y suis resté, longuement, les yeux humides, avec du sang au fond de l'estomac, vomissant un mélange de bile et d'hémoglobine.

« Ce sont des ulcères, monsieur. »

Sans blague. Et il m'a donné une liste d'indication. Pas d'alcool. Pas de tabac. Pas d'antalgiques.

Bien sur. Il croit que je vais me soigner avec un supo et une tisane.

La première chose que j'ai faites lorsqu'il a quitté ma chambre, c'est m’allumer une cigarette et dériver ma perfusion sur une bouteille de bourbon. J'ai au moins suivis un de ses conseils. Je préfère subir la douleur plutôt que de me gaver d'antalgiques. Peut être pour me rendre compte du moment où j'irais trop loin.

Puis, j'ai été rendu à la ville. À ses rues étroites, ses tanières lugubres sentant la sueur, ses néons grésillant sous la tension du désespoir. Ce vieux terrain de jeu que j'avais abandonné et que je retrouve à présent, avec rancœur. Et une pointe de nostalgie. Je pensais avoir laissé derrière moi ce jardin d'enfant minable, avec son lot de gaminerie, de perditions et de paradis artificiels, mais me voilà donc en train de pousser son portillon rouillé, frémissant au son du grincement délicieux de ses gonds.

Ils sont tous là...la balançoire des mauvaises cuites, le tourniquet des histoires sans lendemain, le bac à sable des décisions foireuses. Immobile, les mains dans les poches, je regardes une à une ces sources d'amusement futile, me demandant quel est la meilleure option pour reprendre sûrement la route de mon propre escapisme. Je suis bien vite tiré de ma rêverie par le couinement répétés du portillon, qui laissent passer, dans les deux sens de nombreux enfants. Lorsqu'ils sortent, ils rient, par deux, main dans la main. Et lorsqu'ils rentrent, les voilà seuls, les traits tirés. Dévastés parfois. Mélancolique, souvent.


Oh, je sais par où commencer ! Là bas ! La bascule de l'auto-flagellation !

Melpomène

La dramaturgie se doit d'être académique. Allégorique. Non.

Attendez. Alphabétique.

Épique.
Historique.
Iconique.
Magnétique.
Magnifique.
Monolithique.
Nécrologique.
Soporifique ?
Stylistique.
Syntaxique.

Bref, tragique.

Sauf que, hélas, il y a un hic.

Elle n'a pas à être millimétrée, inspirée d'épopée engoncés dans nos mythes et nos légendes. Elle peut se faire élégante en parlant des gens, de la plèbe, de l'individu au RSA dans son HLM qui ressasse son incessante solitude et se satisfait des cinquante centimes économisés à l'épicerie du coin. Elle peut nous parler de solitude, de décrépitude, des créatures d'un esprit éthylique. Elle peut être morbide et lubrique, elle peut être vulgaire en parlant de bite et de putain de vie foirées.

La tragédie est multiple, elle nous entoure, nous abreuve, nous ressemble, nous contemple. Elle peut être anecdotique, ancrée dans le réel de nos insignifiante déceptions, mais parfois puissante, grondante, dans une décharge glorieuse de toute nos passions. Et de nos pulsions.

Elle s'offre à nous, nous pouvons l’assaillir, la saillir, sans jamais la salir. Elle accueille nos soupirs, elle se fait le réceptacle de nos vaines palabres plates et mélancolique, pour ensuite les sublimer et donner au cafard les senteurs de l’héliotrope.

Ma mie, ma Muse, tu es la plus cruelle de mes amantes. Mais aussi la plus fidèle. C'est serré dans tes draps que je me déhanche, que je m'épanche, que je vous dérange.

Tu es celle aux milles visages, ceux de toute ces muses évanouies qui, par millions, ont laissé sur mes lèvres le parfum de leurs noms.
Tu es toutes celles qui firent chuter les empires, mirent à genoux des dynasties et qui parfois firent que des poètes désespérés s'absinthèrent à jamais de réécrire.

Tu as perdu l’Éden, tu as fais brûler Troie,
Et lorsque tu fus reine, tu fis pleurer les rois,
Mais qu'importe le feu, qu'importe donc le sang,
Au diable la candeur, et ces doux sentiments,
Accueillons en notre âme, tous tes pesants délices,
Teintés de souvenirs, avec leur froid silice.
Et d'un Alexandrin, qu'il soit seul ou bien cent,
Cassez alors le sens, cassez alors la rime,
Cassez donc le rythme,

Car, Melpomène, n'a pas besoin de son pampre et sa vigne mêlées, dans son macabre chant, pour manœuvrer entre toute mon œuvre de pénitent.

Terpsichore


Terré au cœur de la soie, ton corps s'agite doucement, sous mon œil satisfait et humide.

Sûrement, tes mains glissent sous les sens de ma fantaisie dans une sensuelle mise en scène qui s'écoule sans accrocs.

Tu danse, semblant sans espoirs ou pensées déplacés, simplement en effleurant une corde raide et sensible du violon dingue que tu fais gémir de tes doigts habiles.

Chaque geste est une symphonie de saveurs semée par le désir dans la parcelle luxuriante de mes fantasmes.

Tes mains se démènent, tes hanches me débranchent, tes lèvres me délivrent, avec ton corps pour décors.

Alors, je m’abandonne. Fais ce que tu souhaite de mon avenir, joue encore de ma vie, ce cœur s'emballe bien trop des discours de tes yeux.

Et tu continue à te déhancher, à te démener, me menant à la braguette de toute les extrémités de tes membres frêles et de ta peau laiteuse.

Ah, Terpsichore, encore ces pensées lubriques qui ne voient dans cette cavalcade aux airs de ballet que des échos érotiques. Jamais pornographique. Ta danse est légère, mes mœurs le sont aussi et jouissent de cette poésie litigieuse et libidineuse.

Laisse moi avec ma voix, avec mon organe, te faire l'amour avec passion. Pas comme l'on fait l'amour à une amante, mais comme on se délecte de donner du plaisir à une idée, en des orgasmes multiples de beauté exaltée.

Et enfanter avec une idée, n'est ce pas ainsi que l'on fait naître les révolutions ?

Alors, faites l'amour avec les mots, faites l'amour avec la langue, semez les graines de la rébellion !
Faites jouir les paraboles, hurlez donc sur les toits, laissez vous allez à l'extase, soyez les gigolos du langage !
Prenez la poésie dans votre lit nuptial, faites la gémir, laissez la se pâmer, se cambrer, sans jamais plier sous le poids des idées !
Donnez lui corps !
Donnez lui forme !
Donnez lui bouche !

Giflez là, si vous le pensez nécessaire !
Mais de grâce, ne la bâillonnez jamais.

Laissez la rougir, laissez la frémir, laissez la bouillir !

Si elle est couchée, chatouillez la d'une plume, si elle est dressée, faites sauter les barrières de la langue !
Laissez la prendre ses pieds, dans une finale apothé-prose, puis laissez la se blottir auprès de vous, pour que, entre quelques râles saccadés ,elle murmure sa mélodie à votre oreille,.

Une muse comblée est la plus belle des maîtresse.


[Ce texte a été réalisé pour le projet Uranometria, vernissage présentant dix guitares, liées aux 9 muses et à Athena.

Voici le lien vers leur facebook:
https://www.facebook.com/uranometriaproject?fref=ts ]