mardi 9 juin 2015

Cupidon

Pourquoi le symbole de l'amour a un putain d'arc ?

Déjà, c'est un chérubin. Un bambin sans sexe, avec des petites ailes dorées et duveteuses. C'est douteux, mais admettons.

Parmi tous les symboles allégoriques, on aurait pu lui donner un bâton, une trique, des jonquilles, une amphore, un bouquet de fleur, à la rigueur.

Mais un arc ? Par convention, que la passion soit dispensée dans nos pensées par un carreau qui nous pique en plein cœur, ça me laisse songeur.

Et puis une flèche, à l'impact, ça fait mal. Et quand on s'enlace, ça s'enfonce. Et on se dit que si on se lasse, ça s'enlève. Mais si on le fait, on en souffre, alors on la laisse, même si ça nous oppresse. Alors, pour ne pas être lacéré par son extraction, on élague, on enlève ce qui dépasse. Et on se qui que comme ça, ça passe.

Mais non, ça passe pas, putain.

L'arc, c'est un truc létal, les talents pour en faire bon usage, c'est des années de pratique, pas les aléas de contacts furtifs et répétés.

Vous savez d'où c'est tiré cette lubie de pointe argentée ?

De la libido des escargots.

Les gastéropodes, c'est quand même aux antipodes de la sensualité.

Parenthèse sur les espèces : ça vient du dard d'amour, l'un des atours hormonaux des escargots. Dans de coquines copulation, ils immiscent cet appendice avec délice dans leur compagnon de reproduction. Ils le lancent à distance dans leur bien aimé pour stimuler sa fécondité.

Oui, oui, comme une flèche.

Vous voyez le rapport avec les rapports des gastéropodes ?

Donc voilà, Cupidon pense qu'on est des putains d'escargots. Notre symbole de la passion est inspiré de la sexualité d'une bestiole qui bave et qui rampe.

Non, vraiment. C'est navrant.

Je me dis pas qu'il ne m'arrive pas de baver devant une belle femme ou de ramper à ses pieds, mais quand même, je ne me démène pas à porter sur mon dos le studio où je compte l'emmener. Et franchement, ma fécondité, je cherche surtout l'éviter.

Mais d'accord, avoir dans son corps un projectile qui permet nos idylles, c'est pas complètement con. Enfin, concrètement, il faudrait se concentrer sur le moment où ça tombe sous le sens, et où du coup ça leur fait mal.

En réalité, je me permet de vous affirmer que ce qui me plaît dans cette idée, c'est que cette flèche trouve sa justification quand on tire un trait sur nos relations. Quand on nous l'arrache, que ce soit avec maladresse ou avec panache.


Cupidon n'est donc pas l'ange cabotin de l'amour. Il est surtout le diablotin de la rupture. Comme pour sa flèche, il espère juste qu'on finira par se planter.

Alors, gamin, prend tes flèches, tes cliques et ton arc, arrête de tirer sur la corde et va te faire tendre ailleurs.

samedi 6 juin 2015

Purgatoire

Explosion.

Je n'attend que ça.

Je suis debout, les bras ballant, au milieu de cette foule dont j'espère l'hostilité. Ils passent à coté de moi, sans vraiment s'en rendre compte. Je cherche des regards connus, des œillades méfiantes, j’attends que l'un d'eux me crache au visage.

En vain. Je ne suis qu'un badaud, anonyme dans ce vide bondé, une face lisse et insipide se mêlant aux autres.

Le sang bat contre mes tympans, coule le long de mes doigts endoloris. Je ne suis qu'un être de plus perdu au milieu de l’indifférence et de l'ignorance de cette masse grouillante.

Je porte mes mains à mon visage, griffant lentement le masque qui dissimule la crasse, la douleur, la folie, la haine. Rien. Il est fait de chair. Il repose élastiquement sur mon crane, palpitant doucement au rythme des battements erratiques de mon cœur maladif.

Alors, j'avance avec lenteur au sein de cet océan d'organismes médiocres et méprisables qui sentent la sueur, la fumée, la fatigue, l'usine, les déo bon-marchés de qualité discutable.
Ces gens qui sentent la vie, en bref.

Cette humanité.

Et, je m'en éloigne avec colère et agacement, m'adossant quelques instant à un tuteur de fortune, m'encrassant les poumons de goudron et de solitude. Tandis qu'ils sont là, à une distance raisonnable, je me permet de les juger plus en détail.

Ils rient. Ils pleurent. Ils se souviennent. Ils s'aiment. Ils espèrent. Ils se trompent. Ils regrettent. Ils pardonnent.

Ils sont si...ils sont si...

Je...je les envie parfois. J'en suis jaloux. Parce que je ne pense plus que par le péché, que par la corruption. J’attends qu'ils viennent respirer les fumées néfastes que j'expulse avec froideur, je ne fais qu’espérer qu'ils viennent chuter en contrebas, me faisant ainsi un confortable matelas de cartilages et de muscles flasques qui mettrait un terme à ma propre descente.
Je m'y vautrerai avec plaisir, avec gourmandise, avec la satisfaction délicieuse de les avoir menés jusque là.

De temps à autre, je m'amuse d'une âme en peine, je la traque, le l'attrape, je la traîne, je la traite comme une petite chose qu'il me faut modeler à ma propre image. Froide. Cynique. Critique. Caustique. Et Cætera.

Parfois, j'aimerai croire en une autorité suprême. Enfin, je veux dire, autre que moi même. Ainsi, j'aurais l'impression d'être un VRP quelconque pour une puissance supérieure et néfaste. Lucifer, Seth, Saïtan, Nyarlathothep, Méphistophélès, Monsanto, Azazel. J'aurai un plan de retraire parfait après le trépas.

Cela donnerait un sens, cela donnerait un but, pas simplement une page ou deux dans un livre de psychiatrie.

Regardez moi donc, face à vous. Ai-je l'air bien différent de telle ou telle personne que vous connaissez, que vous côtoyez, que vous adulez ou que vous méprisez, que vous aimez ou que vous haïssez. Ne sont ils pas si ridiculement normaux, humains, enfermés dans leur cage osseuse et dans leur pensée sûrement forgée par des siècles de morale, de religion, de Droit, de mode de vie et de guide de conduite.

À vous aussi, ne vous-a-t-on pas dit que l'on devait ressentir, que l'on devait avoir des émotions ? Qu'un enfant était beau, que le mensonge était odieux, que l'Amour était le plus doux des présents, que la vengeance était un leurre ?

Croyez moi, vous vous vous égarez dans vos certitudes mainte fois répétées par vos pairs, par vos parents, par vos proches, qui prétendent savoir ce que vous pouvez faire, ou non, de votre vaine existence.

Rejoignez moi donc, venez donc goûter à mes errances, venez enlacer vos propre désillusions pour mieux les plaquer au sol et les rouer de coups dans une joyeuse furie auto-destructrice. Soyez en sur, je ne serai pas avare des conseils toxiques qui vous mèneraient sur les sentiers de la perdition.

Avec un peu de chance et, plus improbable, de présence d'esprit, vous en viendrez à suffisamment me haïr pour avoir la force de me détruire. Une fois que toute vos digues morales auront explosées sous le flot grondant de l'indécence et de la démence vous pourrez mettre à bas ce colosse orgueilleux, psychotique et mégalomane qui me sert de figure publique.

Non. Non.

Ne gratte pas plus loin. Non. J'ai déjà essayé, il n'y a rien à trouver derrière. Il n'y a que des paysages arides et décharnés, parcourus pas des hyènes hurlants et affamés. Marcher jusqu'à ses frontières est trop fatiguant, mon acédie est catégorique.

Non. Arrête. Je te l'interdis.

Je cherche ma destruction, pas ma rédemption. N'essaye pas de me prétendre meilleur, moi qui ne cherche qu'à t'attirer dans des filets d'échardes et de barbelés. Je t'y veux nue et docile. Je ne veux pas de ta compassion. Je ne te veux que comme un outil de ma luxure et de ma concupiscence.

Éloigne ces mains de mon visage, ne cherche pas à effleurer mon âme. Cesse de susurrer ces douces paroles à mon oreille. Je ne les mérite pas. Je ne te...

Ne m’entraîne pas au milieu de cette foule. Ils sont trop communs. Ils sont trop vulnérables. Ils sont trop stupides. Ils sont trop heureux.

Vois, petite idiote, je commence à sourire. Je commence à rire.

Je commence à aimer. Et tu crois qu'ensuite tu va me détruire en me faisant pleurer ?

Arrête. Non. Continue.

Continue donc à me traîner dans cette délicieuse insouciance que j'ai systématiquement évité. Arrache donc couche après couche, membrane après membrane, met à nu ce qui, à ton sens doit l'être. Trouve donc une faille, va y.

Tu m'extrais de ma solitude sordide, celle où je désirai demeurer. Je vais te haïr secrètement pour cela. Et lorsque je serais assommé, hébété, par tant de douceur et de bons sentiment peut-être, je dis bien peut-être, peut-être que je me laisserait aller à quelques émotions que je supposerait de circonstance, à quelques sentiments factices et bien ficelés.

Et tu prétendra que tout cela est bien réel. Tu prétendra que, finalement, je m'était fourvoyé. Que, finalement, il est facile pour moi de m'abandonner à quelques pensées mièvres et entêtantes.


Alors, j'aurais des projets, de peindrais de cyclopéen dégradés de rose sur fond rose, non pas avec cynisme, mais avec bienveillance, je t'écrirai des lettres sur un papier doucement parfumé, qui te parlerons d'idylle, de rêve et de saine contemplation. Je te ferais un trône de tendresse, de caresse et lascivité.

Et lorsque tu m'abandonnera, aux portes de cette battisse en flamme, que j'aurai nommé "notre histoire", je finirai par lui tourner le dos pour rejoindre à pas hésitant mes rejetons ectoplasmiques qui aurons bien trop appris en mon absence.

Voilà. Ils me détruisent. Ils me dévorent. Tu m'as fais tout perdre. Surtout mon ambition qu'ils me terrassent.

mercredi 3 juin 2015

Folie

Je parcours inlassablement les faubourgs de la folie. Pas que la mienne. Y a celle des autres.

Les autres dont je me fais le réceptacle des errances. Ne le croyez pas pour autant respectable. Je m'abreuve goulûment de leurs petites déviances, de leurs vices déplacés et de leurs fautes répétées. Je m'abandonne dans ces failles béantes, longuement creusées par une pelleté de décisions maladroite et inopportunes.

Impassible tandis qu'ils se répandent, j’accueille la pluie de shrapnel qui bondit à mon visage, écorchant avec douceur mon âme burinée. Le sang qui dégouline sur ma chair vibrante y sèche prestement, figé par ma morgue et mon indifférence. Je lape avec délectation les rares perles qui se sont égarés au coin de mes lèvres, y gouttant le délice de ces révélations.

Je m'efforce alors de prodiguer conseils et avis, que je sais éclairés, tandis que je jouis cruellement de ma lucidité. J’assomme de mépris ces esprits écorchés, qui viennent encore et encore et encore subir mes sermons acides.

Alors, je prétend les connaître, avec une divinité joueuse et orgueilleuse. Je les vois comme des pions, mouvant sur un plateau fantasmé dont j'aime à me croire le compétiteur acharné. Ma prétendue objectivité sert de masque affreux au jeu dont je me délecte.

Et je m'amuse de faire l'index des errances psychologiques de chacun.

Alors, Monsieur, que pensez vous de mes propre dérangements ? Suis-je cet infâme mégalomane ou une déité ignorée ?
Allez y, jugez moi, je dois vous entendre hurler que je suis une vermine perfide et vicieuse, charognard mesquin du désespoir.

Je suis là, devant vous, bras écartés, l'âme nue et l'esprit soumis. J’attends votre délivrante lapidation.


Je ne veux pas de votre mépris. Je n'espère que votre haine.

Foule

Laisse moi, jeune fille, m'égarer auprès de toi, dans une fièvre torride, fumante d'insouciance et de désir.

Nous sommes deux gosses égarés dont la main a été lâchée dans une foule assommante et grouillante.

Nous voilà seuls, coupés de nos dépendances et de nos futurs entrevus. Là où nos passions tentent de nous extirper de notre réalité, notre raison succombe et se laisse couler. Nous espérons tous deux que le temps accomplisse sûrement son ouvrage, qu'il nous délivrera de cette douloureuse attente, de ce silence pesant d’où l'on attend qu'une voix familière émerge :

« Va, reviens auprès de moi. »

Mais est ce bien l'heure de saisir cette main tendue pour poursuivre cette balade qui nous avait épuisée ? Doit-on dés lors reprendre sa route, alors qu'il y a quelques instants, nous étions fatigués ?

Je te souhaite de t’évader de la foule, de saisir cette transe qui t'es donnée.

Je te regarderai, t'évader de al foule, avec regret mais avec bienveillance.

Je resterai là, seul, debout au milieu de la foule, à t'envier et à espérer.

Mais tandis que nous sommes ici, face à face, au milieu de la foule, viens, tend donc les bras pour quelques pas de valse. Gouttons à chaque temps, jouissons à chaque pas de ces mesures d'abandon et de volupté.


Et lorsque l'orchestre s’arrêtera, je te regarderai t'éloigner, le sourire aux lèvres, tandis que tu t’évaderas de la foule.

Et le rythme de tes pas meublera mon silence.

Jusqu'à ce qu'à ce que, à mon tour, je m'évade de la foule.